Trail EDF Serre-Ponçon 33km 2000m D+ – 8 juin 2014
Après plusieurs mois de sommeil, bien plus qu’une hibernation, j’ai réveillé mon blog.
Fin 2013, j’avais perdu l’envie et l’inspiration pour des récits… en ayant également fait le constat que le scénario de la plupart des courses se répète, donc l’intérêt d’un nouveau compte-rendu diminue.
Par contre, j’ai eu la surprise d’entendre régulièrement : « j’ai cru que tu avais arrêté de courir, ne voyant plus d’activité sur ton blog », me faisant prendre conscience que j’avais plus de lecteurs que je ne le pensais.
Aujourd’hui, j’ai envie de faire partager les différentes émotions que j’ai pu vivre sur ce magnifique Trail de Serre Ponçon, en ce début juin 2014, avec les premières grosses chaleurs de l’année.
Belvédère du barrage de Serre-Ponçon , dimanche 8 juin 2014, 8h, température déjà élevée:
Peu de monde sur l’aire de départ de ce parcours long de 33km (2km de plus qu’annoncé), un plateau assez peu relevé et pas de favori évident.
Du coup, ça part assez tranquillement sur la route qui monte vers le village de Rousset.
La physionomie de la tête de course est très variable sur les 2 premiers kilomètres.
Je suis bien placé pour observer ce qui se passe, évoluant un peu en retrait, vers la dixième place.
A Rousset, une première hiérarchie se dessine, avec un groupe de 4 coureurs aux avant-postes. Je suis en embuscade avec un autre coureur à quelques dizaines de mètres. Derrière, le peloton s’est déjà étiré.
Dans la descente vers Espinasses, l’allure reste modérée car il n’est pas question de se casser les jambes avant la grosse ascension à venir, le Mont Colombis et ses 1000m de dénivelée d’une traite.
Le futur vainqueur de la course, Pierre Perraudin, rejoint notre duo, alors que nous rentrons progressivement sur la tête de course : c’est donc un petit train de 7 unités (dont je ferme la marche) qui traverse un très pittoresque passage entre des « demoiselles décoiffées » pour plonger ensuite sur Espinasses par un single bien agréable.
Derrière, le trou semble fait et le futur vainqueur doit se trouver ici, je veux dire parmi les 6 autres !
Nous restons groupés à 7 jusqu’au pied de l’ascension du Colombis, peu après le premier ravito.
C’est quand même assez jouissif de faire partie de la tête de course à 9 kilomètres du départ et je savoure ces instants magiques, d’autant plus que je n’ai pas l’impression d’être en sur-régime.
La première partie de l’ascension se fait sur un single en lacets avec une pente intermédiaire qui ne m’avantage pas du tout : En effet, même si c’est raide, ça peut se courir, et c’est ce que font les 6 autres. Je constate très vite que je suis en train de me mettre dans le rouge et je me mets à marcher.
Là s’arrête donc mon reportage sur la tête de course…
Gros dilemme néanmoins, que faire ? tenter de rester au contact de ce groupe qui commence à s’effilocher, en espérant qu’un autre traileur décroche également et qu’on puisse faire la montée à 2 ? ou monter d’emblée à ma main mais vraisemblablement seul et pour combien de kilomètres ? car derrière, personne en vue sur les lacets en contrebas…
J’hésite un peu, insiste encore, avant de rendre les armes.
Je pense alors que je suis au moins assuré de retrouver du monde à la croix des près à la jonction avec le 22km, parti 1h plus tard, et cette perspective me rassure.
Cette ascension du Mont Colombis en solidaire est fastidieuse, je suis isolé et sans notion de rythme.
Heureusement, je dispose d’un gris-gris d’une valeur inestimable pour me donner du courage: le bracelet en élastique aux couleurs de ma tenue (vert, blanc, noir) que Lily m’a fabriqué spécialement pour l’occasion: en plus, ce n’est pas considéré comme du dopage…
Sur la deuxième partie, « l’échine de l’âne », c’est encore plus raide et c’est la marche obligatoire, sauf sur les quelques petits et trop rares faux-plats qui offrent un peu de répit et de diversité.
On aperçoit enfin le relais qui coiffe le sommet du Colombis, mais cela marque le début de la portion la plus dure. Je progresse à petits pas, les mains sur les cuisses, dans un effort intense. Par contre, la vue de chaque côté est à couper le souffle (le hic, c’est que c’est déjà fait).
J’entends respirer fortement derrière moi, et j’aperçois un coureur puis la première féminine un peu plus bas.
Il me rejoignent juste avant le sommet et après le ravito, j’enchaine sur la descente avec eux.
Un coup d’œil à la montre: 1 heure et 3 minutes de montée en solo pour 1000m de dénivelée, ça reste très correct.
Je modère mon allure sur la portion en bitume pour récupérer et éviter de me casser les muscles.
Sur la large piste qui suit, je suis en compagnie de la première féminine qui n’est autre que Maud Gobert, championne du monde de trail 2011.
J’ai ainsi l’honneur de faire la descente vers la Croix des Prés en sa compagnie.
Elle engage la conversation et j’en profite pour faire de la pub pour le Trail des Balcons de Châteauvieux.
Malheureusement, un peu plus loin, je suis piteusement obligé de lui avouer que je redoute le point de côté, ce qui met un terme à notre discussion. Je pense que nos états de fraîcheur étaient assez diamétralement opposés à ce moment là.
Gros coup de mou au ravito de la Croix des Prés : dès qu’on retrouve la montée, je suis scotché : impossible de repartir en courant. Je souhaite donc à Maud une bonne course pour la suite…
J’ai alors parcouru un peu plus de la moitié de la distance et il reste une quinzaine de kilomètres à faire: je suis parti pour une bonne galère et inutile de préciser que mon moral en prend un coup.
Heureusement que le gros du dénivelé est déjà passé…
J’avance tant bien que mal sur cette crête du « ruban »:
Sur les parties plates, je cours sans grande vélocité.
Dès que ça monte, je marche.
La chaleur commence à être difficile à supporter, d’autant plus que je cours toujours tête nue (aujourd’hui la casquette n’est pas du luxe)
Quelques coureurs du 22km me rattrapent, je suis à la ramasse mais, étonnamment, toujours 9ème de la course!
Le profil devient descendant, je repasse des concurrents du 22km et je pense alors que je vais pouvoir me refaire la cerise.
Cette « éclaircie » est de courte durée, car dès que la pente s’accentue, les jambes redeviennent lourdes et même la descente est un calvaire!
Enfin, j’atteins le 3ème ravito, situé en dessous du Col Lebraut.
Je m’alimente, bois un peu de coca, me pose quelques instants sur une pierre plate.
Je suis rincé et songe à m’arrêter là.
Des coureurs du 22 et du 33 passent et moi, je n’arrive pas à repartir… pourtant mes petites femmes m’attendent certainement vers l’arrivée.
Il faut tous les encouragements de Pascal (spectateur) et de Momo (engagé sur le 22km) pour que je me décide à quitter ce lieu de réconfort…
La montée qui suit, sur la piste en plein cagnard se fera… à la marche bien sur.
On retrouve ensuite un petit single boisé qui débouche sur ce qui est sans doute le passage le plus spectaculaire de ce trail:
Un étroit sentier qui descend en lacets sur le flanc d’un adret abrupt, tracé dans un pierrier de marnes de tons gris/rouge.
Ce passage permet une superbe vue plongeante sur le lac. Par contre, il vaut mieux être attentif car toute chute peut s’avérer fatale.
J’utilise le peu de lucidité qui me reste pour assurer mes appuis.
Je retrouve un peu de jus au fil de la descente et revient sur Momo, qui me laisse passer.
Lorsque qu’on retrouve le fond de la combe, les faux-plats continuent de saper mes jambes déjà bien mal en point.
Pour couronner le tout, je fais une petite erreur de parcours, un aller retour d’environ 200 mètres dont je me serais bien passé.
Dans l’intervalle, un concurrent du 33km est passé. Je rejoins à nouveau Momo qui est étonné de me voir là…
Dernière difficulté, la remontée vers le belvédère, courte mais terrible à ce stade de la course.
J’essaye de marcher, mais même la marche devient extrêmement pénible. A un moment donné, je me dis que je vais finir en rampant!
Un nouveau coureur du 33km me dépasse et je peste intérieurement contre ma fausse route d’il y a quelques minutes.
Je vais chercher les dernières ressources pour tenter de revenir dans la descente finale, sur ce coureur qui me semble être un vétéran, eu égard à des tempes grisonnantes: tentative qui sera infructueuse et j’échouerai au pied du podium vétéran 1.
J’aperçois mes petites femmes devant l’arche d’arrivée et suis vraiment content de les retrouver.
Sitôt la ligne d’arrivée franchie, je prends à manger au ravito d’arrivée et vais m’assoir directement à l’ombre au pied d’un pin, non sans avoir envoyé balader un copain coureur qui avait eu le malheur de m’interpeler.
Je n’ai normalement pas mauvais caractère mais la fatigue extrême a raison de mes nerfs.
Je suis partagé entre la déception d’une course-galère et la satisfaction d’avoir néanmoins bouclé ce parcours difficile sous une chaleur à laquelle l’organisme n’est pas encore habitué début juin.
Je n’ai pas de regrets à avoir car je me suis correctement alimenté et hydraté, et je ne pense pas être parti trop vite.
En fait, en y réfléchissant un minimum, cela était prévisible: le manque de volume d’entrainement peut se faire oublier sur un trail d’une vingtaine de kilomètres, mais ça ne pardonne pas dès qu’on est sur un format plus long.
D’ailleurs, j’ai explosé à environ 2h30 d’effort, ce qui correspond grosso modo à la durée de mes courses du premier semestre.
Manque de sorties longues, quinze jours sans courir pour cause de tendon d’Achille douloureux, une préparation sommaire, tout ça se paye cash!
Le trail rappelle sans cesse à l’humilité : l’année prochaine, je reviendrai volontiers me frotter à ce parcours long… mais seulement si je suis préparé convenablement. Sinon, le parcours moyen de 22km, qui propose déjà de jolis paysages, me suffira bien!
Au final, il restera des superbes images: du gris de l’échine de l’âne au magnifique bleu du lac de Serre-Ponçon, en passant par les verts pâturages du Mont Colombis.
Bravo à l’organisation qui a redressé la barre de la meilleure des manières, en proposant une édition en tous points parfaite.
Sur ce, le blog peut se rendormir… ou pas
J’ai enfin le plaisir de te relire et il est clair qu’on aurait manqué quelque chose à ne pas raconter cette course.
Tu as malgré tout plutôt bien géré cette distance dont tu n’es pas habitué, avec, de plus, un entraînement peu adapté. On sent que ton mental et ton expérience ont permis de t’accrocher jusqu’au bout. Bravo !
Ton récit donne envie d’y participer pour une édition prochaine.